Droit de rétrocession et droit de propriété
La Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel le 27 novembre dernier, suite à une question prioritaire de constitutionnalité de Mme Suzanne P.-A. La question porte sur le fait de savoir si la limitation du droit de rétrocession, par une déclaration d'utilité publique, est bien conforme aux principes constitutionnels.
Actuellement, le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, et plus précisément l'article L12-6, prévoit que l'ancien propriétaire d'un bien dont il a été exproprié pour cause d'utilité publique, ou ses ayants droits, peut bénéficier d'un droit de rétrocession. Celui-ci intervient si le bien n'a pas reçu la destination d'utilité publique pour laquelle il a été réquisitionné, ou ne la reçoit plus. Le délai à considérer en la matière, est de 5 ans après l'ordonnance d'expropriation.
Or, ce même article prévoit aussi que le seul moyen de faire obstacle à ce droit de rétrocession est une nouvelle déclaration d'utilité publique.
La requérante estimait pour sa part que cet obstacle constitue une violation du droit de propriété. Elle présume en outre que c'est l'autorité administrative qui détermine les règles relatives au droit de propriété en la matière, ce qui outrepasserait ses compétences. Pour ces raisons, la limitation de ce droit de rétrocession serait donc non conforme aux règles constitutionnelles.
La constitutionnalité validée
Pour commencer, le Conseil constitutionnel a rappelé que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 édicte le droit de propriété, comme étant un droit inviolable et sacré. Pour autant, ce texte prévoit aussi une exception, à savoir la nécessité publique légalement constatée, avec en contre partie une indemnité préalable.
Selon les Sages, le législateur, en prévoyant une limite au droit de rétrocession ne va donc pas à l'encontre des règles de constitutionnalité, mais protège à l'inverse la réalisation de projets d'utilité publique.
D'autre part, pour le Conseil constitutionnel, c'est bien le législateur qui encadre le droit de propriété ici, et non pas l'autorité administrative.
En conclusion, le Conseil a rejeté la demande et estime ainsi que la limitation du droit de rétrocession en cas d'utilité publique est donc bien constitutionnelle.
Pour en savoir plus :
La décision du Conseil constitutionnel
L'article L12-6 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique